L’implémentation d’une démarche RSE dans les entreprises : et ensuite ??? (1/2)
17 août 2010
Cet article a été mis à jour le 23 septembre 2011 à 09:20
Les soubresauts de l’économie mondiale due à l’importante crise financière combinée aux nécessaires actions concernant le réchauffement climatique ont poussé nombre de personnes à porter le débat sur le fonctionnement actuel du capitalisme, notamment sur la portée de la pensée économique actuelle d’inspiration libérale qui prédomine(ait) dans le monde (et se basant notamment sur les travaux de l’économiste Milton Friedman). Avec pour principal postulat, la nécessité de réguler ou du moins apporter une éthique plus précise au fonctionnement actuel du capitalisme.
Au fond, aujourd’hui, des approches éthiques de l’économie qui faisaient naguère sourires sont en train de ressortir des placards où elles s’étaient retrouvées emprisonnées. Des approches comme le « karma capitalism » par exemple qui « entreprend de combiner le développement d’une entreprise avec un impact positif sur soi et les autres » (chronique de Tristant Lecomte pour l’Express, http://www.lexpress.fr/actualite/environnement/karma-capitalism_898539.html ). Un vrai courant managérial où les dirigeants et les managers ont une vision plus large que la seule recherche du profit et de l’argent, mais où « l’entreprise a également vocation à créer de la valeur et de la justice sociale » (CK Pralahad, 2006).
De fait, le capitalisme et plus globalement les économies des pays développées sont en quelque sorte à la recherche d’une nouvelle spiritualité où le « Bhagavad Gita » aurait remplacé » l’art de la Guerre » de Sun Tzu et où l’adage des années 80 « greed is good » (être avide est positif) a été remplacé par « green is good » (pensez vert !). En gros, l’entreprise doit croire au bien, et se positionner sur le long terme, où elle aura assurément une meilleure appréhension de « l’interdépendance des enjeux du développement durable« , et qui permet de « redonner sa place aux valeurs humanistes dans l’entreprise« , où l’on créée ainsi « de la valeur incrémentale pour l’entreprise« . (chronique de Tristant Lecomte pour l’Express, http://www.lexpress.fr/actualite/environnement/karma-capitalism_898539.html ). « S’ouvre désormais la période Max Weber, c’est-à-dire l’instauration de nouvelles règles au nom du vieux principe que le marché et la règle du droit constituent l’avers et le revers indissociables du système capitaliste et que, si le premier démarre toujours plus vite, la seconde finit par le rattraper. Chaque spasme suscite, sur le plan de la réglementation, sa mode. » (Alain Minc, paru dans le Monde, 2002)
Que vient faire la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) là-dedans me direz-vous ? En quoi peut-elle être une réponse ou du moins un outil au nécessaire développement de la pensée capitaliste ? Tout simplement parce que la RSE a été conçu dans ce but, et ce dès 1953, par un économiste keynésien, Howard R. Bowen. La responsabilité sociale de l’entreprise cherche à conjuguer mondialisation et dialogue social, en réponse à l’idéologie du « laissez-faire » exacerbée du néolibéralisme. L’idée sous-jacente était de se dire qu’il était nécessaire de passer « de l’opposition classique entre managers et actionnaires à l’idée stratégique de soumettre l’entreprise à une légitimité résultant d’un contrat avec la société » (H. R. Bowen), par la création du contrepouvoirs que sont les « stakeholders » permettant de limiter le caractère absolu du droit de propriété des actionnaires (en particulier les marchés financiers) au profit des « parties prenantes » (actionnaires, salariés, citoyens via les associations, collectivités, banques, assureurs, Etats, ONG, organisations internationales …).
Le problème c’est que cette approche est difficile à mettre en place de façon complète tant les points de frictions sont nombreux :
- Limiter le pouvoir des actionnaires conduit à créer des instances de dialogue mais suppose au bout du compte un certain partage du pouvoir de décision.
- La création d’une RSE globale implique une démarche inter étatique incluant des acteurs hétérogènes (associations, actionnaires, ONG, Etats…) difficile à mettre en place si ce n’est dans la durée tant la nécessité de créer un corpus législatif interétatique est latent.
- Sans compter que la RSE souffre actuellement auprès du public d’un manque de clarté du fait d’un réel flou conceptuel entre RSE, éthique, et développement durable qui lui est dommageable. Sans compter, certains auteurs pour qui la RSE n’est qu’une opération de communication et de marketing (Lordon, 2003). Au final, il faudra encore du temps pour que la RSE soit compris pour ce qu’elle est à savoir : la volonté de « poser des jalons légitimes à l’activité de l’entreprise, et à la manière dont elle traite son environnement au sens large (incorporant les aspects environnementaux et sociaux » (Sandrine Rousseau et Nicolas Postel, USTL, 2009).
Malgré ces points de frictions, la RSE avance et fait son chemin parmi les entreprises depuis son introduction en Europe à l’orée de 2001. Il suffit de voir pour s’en convaincre la mise en œuvre précise de la RSE et du développement durable dans les entreprises de l’indice SBF 120, par l’observation très concrète des transformations dans l’organisation des firmes, via la redéfinition des fonctions et des postes, ainsi que par le choix de création de nouvelles structures ou de transformation de structures existantes.
Reste à voir justement quelles sont précisément les conditions nécessaires à l’implémentation de la RSE dans les entreprises pour qu’elle soit un « vecteur efficace de régulation du capitalisme, par la mise en place d’un compromis acceptable entre efficacité et éthique » (Sandrine Rousseau et Nicolas Postel, USTL, 2009). Mais nous verrons cela dans un prochain article.