Sexisme au travail : la France mauvaise élève
27 mars 2018

Égalité professionnelle, discriminations… À l’heure où l’égalité femmes-hommes dans le monde du travail prend de plus en plus de place dans l’actualité, il devient primordial pour les entreprises de savoir reconnaître et sanctionner les actes de sexisme. Car, bien qu’il soit difficile à appréhender, le sexisme au travail reste très répandu dans l’hexagone : 80 % des femmes considèrent y être régulièrement confrontées (selon une enquête du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle parue en novembre 2016).
Mais alors, qu’est-ce que le sexisme ? Et comment lutter contre ses manifestations au travail ? Zoom sur ce véritable sujet de société.
Qu’est-ce que le sexisme ?
Le mot « sexisme » n’est rentré dans le dictionnaire qu’en 1978 et dans le code du travail… En 2015 ! La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi définit l’agissement sexiste comme « tout agissement lié au sexe d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
Au travail comme ailleurs, le sexisme rassemble « des croyances ou comportements qui tendent à stigmatiser, à délégitimer, à inférioriser les femmes en raison de leur sexe » (rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle).*
*Les femmes sont les premières victimes du sexisme. Il convient cependant de préciser qu’elles ne sont pas les seules. De plus en plus d’hommes et de membres de la communauté LGBTQ+ se sentent concernés par des actes de discrimination basés sur l’identité sexuelle.
Comment se concrétise-t-il au travail ?
Au travail, le sexisme, et en particulier le sexisme ordinaire, se manifeste quotidiennement, souvent de façon anodine. Il peut aussi bien s’agir de surnoms (« ma chérie », « ma grande », « ma poule », etc.), de stéréotypes négatifs (liés à la maternité par exemple), de « blagues » irrespectueuses ou déplacées (« Tu es à cran ce matin, qu’est-ce qu’il y a ? T’as tes règles ? »), de remarques sur le physique ou la tenue vestimentaire (« Dis donc, elle est courte ta jupe aujourd’hui ! Tu vas demander une promotion ? »), que d’actes d’objectification (regards insistants sur le décolleté, notamment). Dans des cas plus graves, il peut être question de discriminations, d’abus ou de violences.
3 exemples concrets :
Critiquer une femme parce qu’elle n’est pas assez féminine ou un homme parce qu’il n’est pas assez viril : c’est du sexisme.
« Tu pourrais mettre une jupe de temps en temps, essayer de ressembler à une femme quoi ! » / « Toujours à faire des manières ! C’est une vraie femmelette, ce mec ! »
Ne pas prendre au sérieux les compétences professionnelles d’une personne en raison de son sexe : c’est du sexisme.
« Tu es directrice ? Quoi, il n’y a pas d’hommes dans ton entreprise ? »
Faire des blagues grivoises, de manière répétée, à un(e) collègue : c’est du sexisme.
Sexisme au travail : quelques chiffres
- 80 % des femmes salariées considèrent être régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes au travail.
- 54 % des femmes salariées estiment avoir rencontré des freins professionnels en raison de leur sexe (refus d’embauche, d’augmentation ou de formation, non-obtention d’une promotion, attribution de tâches peu valorisantes, etc.).
- 93 % des femmes considèrent que le sexisme au travail a des effets délétères sur la qualité de vie au travail.
- 81 % des femmes victimes de sexisme au travail ont adopté une conduite d’évitement (qui consiste à éviter certaines tenues vestimentaires, de croiser certains collègues, de participer à certains déjeuner, etc.).
- 3/4 des femmes victimes de sexisme ressentent un sentiment d’injustice, de colère ou d’humiliation.
- 63 % des femmes victimes de sexisme ont décidé de ne pas réagir ou de ne pas dénoncer ces comportements par résignation ou par crainte de représailles.
- 56 % des femmes qui ont dénoncé des comportement sexistes à leurs supérieur(e)s n’ont pas été écoutées et / ou crues.
- Seules 18 % des femmes estiment que leur entreprise combat le sexisme.
Les conséquences du sexisme au travail
Le sexisme nuit à la qualité de vie au travail mais peut aussi avoir des effets néfastes sur la santé !
- 93 % des femmes considèrent que le sexisme au travail peut modifier le comportement des salariées.
- Pour 90 % des femmes, le sexisme diminue la confiance en soi. Confronté(e)s au sexisme, certain(e)s salarié(e)s vont même jusqu’à faire une croix sur leurs ambitions.
- Pour 83 % des femmes et 77 % des hommes, évoluer dans un environnement professionnel sexiste peut avoir des effets sur la santé.
Comment lutter contre le sexisme au travail ?
Dénoncer les agissements sexistes
Dans le droit français actuel, c’est à la victime de rapporter la preuve des faits. Pour constituer un agissement sexiste, les trois éléments suivants doivent être réunis :
- l’existence d’un élément ou de plusieurs éléments de fait, pouvant prendre différentes formes (comportements, propos, acte, écrit), subi(s) par une personne, c’est-à-dire non désiré(s) ;
- l’agissement doit avoir pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité du/de la salarié(e) ou créer un environnement de travail intimidant, hostile, humiliant ou offensant ;
- l’existence d’un lien entre les agissements subis et le sexe de la personne : le ou la salarié(e) subit ces agissements de manière répétée parce qu’elle est une femme ou parce qu’il est un homme.
Les obligations de l’entreprise
Depuis la loi Rebsamen (2015), les agissement sexistes sont interdits en entreprise. Les règlements intérieurs doivent d’ailleurs le mentionner. L’employeur est également dans l’obligation de mettre en place des actions de prévention des risques professionnels pouvant affecter la sécurité et la santé des salariés (et les agissements sexistes en font partie). S’il ne le fait pas, il s’expose à être reconnu civilement responsable de tous les agissements sexistes commis au sein de son entreprise !
Les sanctions
Si l’agissement sexiste est avéré, son auteur s’expose à une sanction disciplinaire pouvant aller du simple avertissement au licenciement, en passant par le blâme. L’employeur, lui, risque une condamnation à réparer le préjudice subi. Le ou la salarié(e) victime de sexisme au travail peut, en effet, saisir le juge des prud’hommes contre son entreprise.
Une discrimination fondée sur le sexe (refus d’embaucher, sanction ou licenciement décidés en raison du sexe d’une personne) est punie, elle, de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
Sensibilisation et prévention : les moyens d’action en interne
La lutte contre le sexisme au travail peut prendre différentes formes, à commencer par des actes de sensibilisation, une communication plus accrue et une adaptation des procédures RH.
En France notamment, des entreprises ont mis en place des solutions encore plus originales. Le réseau SNCF, par exemple, a misé sur la sensibilisation via des vidéos. Le groupe industriel Nexter a choisi le « théâtre d’entreprise », permettant de rejouer des scènes de sexisme ordinaire devant les employés. Le constructeur automobile PSA a, lui, réalisé un film à partir de témoignages d’employés du groupe.
Le Conseil supérieur pour l’égalité professionnelle a, par ailleurs, édité un kit « Agir contre le sexisme au travail » à destination des entreprises, prodiguant conseils et bonnes pratiques. Une source d’inspiration pour quiconque chercherait à mettre en place une politique appropriée.
Et vous ?
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