RSE et mécénat
24 août 2010
Cet article a été mis à jour le 29 juin 2012 à 12:47
Le mécénat est aujourd’hui un outil au service de la stratégie de l’entreprise. D’un mécénat optionnel déconnecté de la stratégie de l’entreprise et sans contrepartie, il devient stratégique, levier d’action d’une politique de Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) tournée vers l’extérieur. L’entreprise se préoccupe d’utilité sociale en cherchant à avoir un impact, notamment au travers de son expertise métier.
Vu un temps comme une menace pour le mécénat (aux alentours des années 2006 et 2007), la RSE est désormais plus intégrée aux entreprises, et cohabite avec le mécénat. La RSE permet même de donner un second élan au mécénat.
Crise de confiance et perte des valeurs humaines
Les préoccupations sociétales sont intégrées dans les entreprises. Face à une interpellation de l’opinion publique, les entreprises ont su régair. La RSE est, entre autres, le fruit de cette réflexion, et apporte aux entreprises qui souvent ses principes, des outils pour regagner la confiance du public, afficher ses engagements, en un mot dialoguer et construire une relation sociale, sociétale. Ce sont les questions liées à l’environnement et au développement durable qui ont amené à l’émergence actuelle de la RSE. Depuis les années 60 et 70, la société se questionne. Les gens se posent des questions sur le travail, l’argent… Pourquoi travaillons-nous autant, le modèle de société est-il adapté… « la société fonctionne mal », voila une phrase que l’on peut entendre depuis plusieurs décennies. Ce courant de pensée a muri, s’est structuré; et s’est vu s’ajouter la vague verte. Au tourna t du millénaire, c’est la question du développement durable, de notre impact sur la nature, qui a pris le dessus. Une strate supplémentaire, qui amène aujourd’hui, 78% des Français à avoir le sentiment que nous sommes en train de saboter le monde dans lequel nous vivons. On voit que les citoyens, au travers de différents sondages régulièrement publiés, sont en manque d’Humain dans l’entreprise. Il existe un besoin fort humaniser l’entreprise. Le monde économique donnait jusqu’à lors l’impression d’être déconnecté et désintéressé des enjeux sociétaux. La crise financière a accentué cette vision noire du monde économique, la RSE est ainsi un outil qui tombe à point nommé pour retrouver cette confiance et injecter de nouvelles valeurs.
Société de responsabilisation et individualiste
La société dans laquelle nous vivons réclame, au travers de sondages et enquêtes d’opinion, plus d’Humain. Mais paradoxalement, depuis une décennies, c’est à un phénomène d’individualisation que l’on assiste. Les mouvements de groupes sont moins forts, et on assiste à une individualisation des relations, des avis, de la façon de penser… « La crise du lien social résulte de la difficulté à trouver un nouvel équilibre au sein de ce modèle de société. Les liens primaires, liés à la famille, au village, au métier, ont disparu, et les liens sociaux, liés aux solidarités de classes et d’appartenance religieuse et sociale, se sont aussi affaissés. Résultat, il n’y a plus grand-chose entre la masse et l’individu, entre le nombre et les personnes. Plus beaucoup de liens » explique Dominique Wolton, dans un article très justement intitulé « Societé individualiste de masse ».
Notre société est devenue bien plus émotionnelle et compassionnelle. Une société de victimisation aussi, comme le dit si bien David Abiker (au travers de son livre, Le Mur des Lamentations), avec qui j’ai eu le plaisir de déjeuner il y plusieurs mois. Mais quel est le lien avec la RSE et le mécénat ? C’est bien de ces tendances de fond, et aussi de la volonté toujours plus forte de sécurité de la part des individus, qu’ont pu émerger la RSE, t surtout son volet social. Comment le développement durable, l’envie de protéger la planète et de s’assurer un avenir pourraient être des valeurs efficaces dans une société ou tout va déjà très bien. C’est parce que l’on assiste à un questionnement incessant depuis des années, et à une recherche de sécurité personnelle que nous en arrivons à la situation actuelle. La recherche de sécurité est à l’individu ce que le développement durable est à l’entreprise : « l’opportunité de se construire une sécurité dynamique et réactive face aux incertitudes ».
Le mécénat comme outil intégré à la stratégie
Le mécénat est un acte de philanthropie, l’entreprise prenant l’engagement de faire un don, pour une action d’intérêt général, en dehors de tout objectif purement lucratif. Le mécénat concerne l’image, la couche de vernis en plus qu’il faut ajouter, longtemps réservé aux grandes entreprises. Car le mécénat, cela coute cher. Oui, et non. Le mécénat semble accolé aux grandes entreprises car souvent, les actions réalisées par les banques ou grandes entreprises du CAC 40 ont un impact médiatique fort. Qu’il s’agisse de l’achat de tableaux, du financement d’une restauration, ces opérations sont toujours très exposées. Pas de retour financier, c’est le jeu(sinon cela s’appelle du sponsoring), mais un retour direct sur l’image, oui.
Le mécénat est une question de moyen, mais est aussi conditionné par un certain nombre de facteurs. « Il existe un terreau favorable à l’implication sociétale dans certaines entreprises : courant chrétien ancien, dirigeants s’étant précocement engagés sur ces domaines (Lafarge, AXA, Danone…), etc » peut-on lire dans l’excellente étude « Mécénat et développement durable au sein des entreprises : synergie ou concurrence ? » commandée par la Fondation de France.
Le mécénat dépasse la contrainte, et devient une implication
Longtemps, le mécénat a connu un double visage. Volonté d’un homme, généreux, qui veut faire le bien, ou sponsoring déguisé de la part d’une entreprise qui souhaite communiquer sainement. C’est un peu l’image que l’on donnait du mécénat en école de communication il y a peu. Mais avec la montée de la RSE et des préoccupations sociétales, les dépenses en mécénat ne peuvent plus se limiter à ce schéma. C’est la pression de l’opinion public qui a, dans les années 80, poussé les entreprises à ouvrir leur volet mécénat. Total, Shell ou encore Nike, pour ne citer que quelques exemples, ont souffert de ce manque de lien social.
En France, la loi NRE de 2001 qui oblige les entreprises cotées à insérer un chapitre sur le développement durable dans leur rapport annuel symbolise la pression législative envers les entreprises. C’est donc sur le front des consommateurs / citoyens, mais aussi des fournisseurs / sous traitants et collectivités que l’entreprise doit répondre de ses actions sociétales. Outre ce développement externe, le mécénat est de plus en plus envisagé comme un support managérial. « Il est considéré comme contribuant à la cohésion sociale, à la construction d’un esprit d’équipe, au développement de la fierté d’appartenance. Il facilite le recrutement puis la fidélisation des collaborateurs. Sous l’impulsion des responsables de ressources humaines, les collaborateurs sont alors encouragés à s’impliquer dans des actions d’intérêt général ».
Pour en savoir plus sur le mécénat et la RSE :
- Quels sont les liens entre RSE, Développement Durable et Mécénat ?
- Mecenova : Mécénat et RSE
- Mécénat participatif
Illustration : Georges Momboye Dance Company (Photo Credits-Gustavo Bressan)
Le portrait que vous dressez du mécénat est très intéressant dans la mesure où il montre l’importance de ce que vous appelez le « volet social » de cette pratique. C’est d’ailleurs ce qui permet aux entreprises qui le pratiquent – sous diverses formes – d’assumer certains aspects de leur stratégie de responsabilité sociale et de durabilité. Je pense que la collaboration des entreprises et leurs potentiels partenariats peuvent avoir un effet de levier pour les aider à faire face aux enjeux éthiques qui les entourent et approfondir ainsi leur politique RSE.